À la croisée des chemins : D&I et enjeux environnementaux

À l’échelle européenne, les politiques climatiques sont marquées par une mise en œuvre fragmentée, où chaque État privilégie ses propres priorités, souvent au détriment d’une vision collective et urgente. Cette absence d’unité affaiblit la portée des stratégies environnementales, qui demeurent insuffisamment intégrées aux enjeux sociaux, notamment ceux liés à la diversité et à l’inclusion (D&I).
Le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC-3) illustre ce décalage. S’il s’efforce de répondre aux défis écologiques, il néglige largement l’incorporation des dimensions D&I, une omission lourde de conséquences. En effet, les impacts du changement climatique ne sont pas neutres : ils exacerbent les vulnérabilités des populations minorisées, personnes en situation de handicap, femmes, minorités racisées ou socio-économiquement défavorisées.
Ignorer ces réalités fragilise non seulement l’efficacité des politiques, mais creuse aussi les inégalités sociales. C’est pourquoi il est impératif de repenser ces approches, non pas simplement pour les populations vulnérables, mais avec elles. Cette transformation profonde rejoint la logique de la justice handie, une vision qui sera développée dans la suite de cet article, en lien étroit avec les approches DEI et RSE, ainsi qu’avec la notion même de performance, dont il faudrait repenser les fondements.
Disabled justice, une question d’imbrication des approches DEI et RSE
Et si on cessait de voir le handicap comme une déficience individuelle, pour l’envisager comme le produit d’environnements inadaptés ?
C’est ce que propose la justice handie, ou disabled justice, un mouvement né en 2005. Pour elle, le problème n’est pas le corps handicapé, mais la société qui ne prévoit pas sa place. Née des luttes de femmes queer, racisées et handicapées, cette approche dénonce un validisme hérité du capitalisme, du colonialisme et de l’eugénisme. Elle ne demande pas seulement l’inclusion, mais la transformation des normes elles-mêmes. Intégrer cette vision dans les politiques DEI et RSE, c’est cesser de considérer les personnes en situation de handicap comme un « coût » à compenser, et reconnaître pleinement leurs droits, leurs voix, leurs vies.
Questionner la notion de performance
Dans les organisations, la performance (économique, sociale) va de mise avec les stratégies opérationnelles : dans tous les domaines, il s’agira d’optimiser les systèmes, les moyens de production, le fonctionnement des équipes…
Pour autant, des chercheurs comme Olivier Hamant soulignent les limites de la recherche de la performance et démontrent en quoi elle est délétère dans un monde fluctuant :
« La performance, définie comme la somme de l’efficacité et de l’efficience, réduit le champ des possibles, en limitant les options, par essence. Elle requiert un environnement parfaitement prévisible pour se construire et se justifier. La robustesse au contraire ouvre les possibles, en multipliant les options. Elle créé des chemins alternatifs dans un environnement imprévisible. »
Hamant, Olivier. « Antidote au culte de la performance : La robustesse du vivant ». Tracts (N°50) - Antidote au culte de la performance La robustesse du vivant, Gallimard, 2023. p.22
Ainsi, dans une ère de bouleversements et d’évolutions constantes, les organisations auraient tout intérêt à rechercher la robustesse plutôt que la performance, et à accepter les redondances et la sous-optimalité.
Cette approche transformative s’applique aussi bien aux politiques de diversité et d’inclusion qu’aux politiques de transition écologique.
Conclusion
À l’aune du contexte d’urgence écologique, nombre d’organisations renforcent leurs engagements, notamment à travers des politiques de réduction du plastique. Or, ces dynamiques, souvent présentées comme consensuelles et indiscutables, entrent en tension avec les enjeux d’accessibilité, notamment pour les personnes en situation de handicap (PSH), car nombre d’entre elles en dépendent pour vivre dignement, voire survivre.
Dans une perspective D&I, cela implique de reconnaître que certaines mesures peuvent produire de nouvelles formes d’exclusion si elles ne sont pas conçues avec, et non simplement pour, les personnes minorisées. Il ne s’agit pas de renoncer à l’écologie, mais de construire une écologie réellement inclusive, ancrée dans la pluralité des besoins et des vécus. C’est cette approche qui permet de conjuguer de manière cohérente responsabilité sociale, justice environnementale et inclusion. Les conditions de sa réalisation passent par une remise en question de la performance et une réflexion sur les changements de paradigmes nécessaires (décroissance…).
Pour amorcer ces réflexions, l’AFMD, lors de son Assemblée générale de mai 2025, a souhaité explorer les imbrications entre politiques sociales et environnementales dans une démarche prospective. Retrouvez les synthèses des ateliers prospectifs :
En 2035…
- Un·e salarié·e sur deux est atteint·e d'éco-anxiété, qui est reconnue comme maladie professionnelle.
- Les accords QVCT et égalité femmes-hommes et transition écologique fusionnent pour un accord "transition juste".
- L'âge de la retraite est à 67 ans.
- De mai à septembre, le travail n'est pas possible après 14h.