Mesurer la discrimination, la diversité ou l'inclusion : quels enjeux pour l'organisation ?

Publié le Mercredi 5 mai 2021

Fin janvier, Elisabeth Moreno, ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, a annoncé la création d’un « index de la diversité ». Cet outil est réfléchi en concertation avec des associations (dont l’AFMD) et des institutions expertes dans le champ de la diversité et de la non-discrimination. Les appels à définir un indice diversité ou inclusion sont nombreux depuis un an. Ainsi, le Conseil d’analyse économique recommande, dans son rapport de juin 2020, une mesure de la situation des groupes minoritaires sur le lieu de travail. « De manière volontaire, les entreprises qui souhaitent faire évaluer leur degré de diversité pourraient inviter leurs salariés à répondre à une enquête sur la base d’un protocole standardisé défini par les pouvoir publics. » En septembre 2020, le Conseil national du numérique appelle lui aussi à « créer un indice afin de mesurer la politique de diversité de l’entreprise à tous les niveaux ». D’autres acteurs économiques s’emparent du sujet de la mesure de la diversité (ou des politiques diversité) en produisant des tableaux de bord ou des indices agrégeant différents types de données.  

Depuis la création des premiers postes de responsables diversité en France, au milieu des années 2000, les outils de mesure se multiplient et prennent une place grandissante. Ils répondent à plusieurs besoins et traitent de thématiques différentes. 

Il y a, par exemple, les outils internes aux organisations qui permettent d’identifier des biais potentiels des recruteurs (testing sollicités), d’estimer les attentes ou perceptions des salarié.es (people survey réguliers) de conduire un diagnostic (analyse des données SIRH) ou d’évaluer les progrès (tableau de bord), et des outils externes auxquels les organisations répondent pour démontrer leur respect des obligations légales (index de l’égalité professionnelle femmes-hommes) ou pour identifier des tendances et se comparer à d’autres organisations (Baromètre national de perception de l'égalité des chances en entreprise du Medef).  

Ces outils de mesure permettent d’établir un état des lieux, parfois d’offrir une lecture statistique d’une situation, d’évaluer des perceptions face à certains phénomènes. Leurs résultats interrogent les pratiques mises en place dans le cadre des politiques diversité et d’estimer dans quelles mesures elles ont permis d’atteindre les objectifs fixés. 

 

Mesurer pour agir 

Pour l’AFMD, comme pour de nombreuses organisations de l’écosystème, cette mesure est un préalable à l’élaboration puis au déploiement de politiques D&I efficaces : pour savoir que faire, à quel public s’adresser, quelles difficultés résoudre, il est nécessaire de mesurer. 

Néanmoins, tous ces outils ont des finalités, des périmètres, des sujets, des méthodes différentes. Aux yeux des responsables RH ou D&I en charge de leur administration, de leur suivi, de leur analyse et de leur traduction en actions concrètes, il existe un risque qu’ils se superposent les uns aux autres sans que leur articulation ne soit toujours évidente. La complémentarité de ces outils est un enjeu d’autant plus important que les tâches de reporting peuvent être très chronophages pour les responsables diversité. Il s’agit par conséquent de choisir les outils pertinents au regard des objectifs de progrès visés et des axes stratégiques définis. Quelques organisations se sont ainsi lancées dans la création de leur propre outil de mesure produisant un score à partir d’indicateurs agrégés ou utilisent un outil externe payant comme Mixity ou Convivencia pour piloter l’activité diversité. 

Par ailleurs, l’utilité opérationnelle des outils existants n’est pas toujours évidente. En fonction de ce qui est mesuré, il faut être vigilant à ce qu’ils permettent d’identifier les points de progrès, d’améliorer les politiques existantes pour accroître le bien-être de tous et toutes au sein des collectifs de travail. Avec ces deux préoccupations en tête (concentrer les outils de mesure et rendre leurs résultats directement opérationnels), nous finalisons actuellement un index de l’organisation inclusive.  

 

Mesurer l’inclusion 

Cet index est le prolongement du travail conduit en 2018 par l’AFMD en collaboration avec Patrick Scharnitzky, psychosociologue, et Pete Stone, consultant D&I, autour du concept d’inclusion. Il est le fruit d’une année de co-construction avec treize organisations adhérentes de l’AFMD menée au sein d’un groupe de travail piloté par Delphine Pouponneau, directrice diversité du Groupe Orange, et les deux auteurs de l’ouvrage.  

Cet outil de mesure n’évaluera pas seulement la représentativité d’une “diversité” et la perception d’une discrimination. Il s’éloigne également d’une approche par critères. Alliant indicateurs factuels et indicateurs de perceptions, il permettra aux organisations qui l’utiliseront d’évaluer leur niveau d’inclusion au moyen d’une note sur 100. Cette note sera le résultat d’une analyse croisant différentes dimensions de l’inclusion et différents domaines d’actions des organisations en matière de D&I. Enfin, cet outil permettra d’évaluer les résultats au prisme de certaines caractéristiques socio-démographiques (telles que l’origine ethnique ou l’orientation sexuelle) des répondant.es. Il sera alors possible à l’organisation qui utilisera cet index de savoir précisément dans quel domaine intervenir, sur quelle dimension de l’inclusion travailler et en direction de quels publics faire porter davantage d’efforts. Ces résultats seront donc directement traduisibles en actions concrètes. 

En attendant de pouvoir partager les résultats du bêta-test de cet index actuellement en cours, nous avons proposé à nos membres, dès mars, un atelier dédié à cette question de la mesure dans toutes ses acceptions. Car si mesurer l’inclusion n’est pas mesurer la diversité (quelle que soit la définition accordée à ces termes), il reste fondamental pour chaque organisation d’identifier les outils adaptés à sa culture interne, à sa taille, à son niveau d’avancement en matière D&I pour procéder à l’évaluation qui lui permettra de décider de la forme que prendra sa politique pour répondre au mieux aux attentes de ses salarié.es ou de ses agent·es. 

Les modalités de choix d’un outil de mesure

  • Procédure : développer son propre outil ou utiliser une offre existante
  • Questions : par critère ou transversales
  • Périmètre : International ou national
  • Passation : auto-déclaratif ou audité
  • Répondant·e·s : collaborateurs et collaboratrices, Responsables diversité ou population spécifique (management, fonctionnel, etc.)
  • Approche : par actions, moyens, résultats ou perceptions
  • Finalité : pilotage RH, déploiement managérial ou marque employeur
  • Prix : gratuit ou payant